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Présidentielle 2026 au Bénin : Pourquoi le juge ordinaire est compétent dans l’affaire de la fiche de parrainage de Michel Sodjinou

Le débat autour de la fiche de parrainage du député Michel Sodjinou oppose juristes et politiques. Si Les Démocrates estiment que seule la Cour constitutionnelle peut trancher, plusieurs arguments juridiques plaident en faveur de la compétence du juge ordinaire, tant que le litige ne touche pas encore au processus électoral. Lire l’analyse d’un juriste.

Le débat juridique autour de la compétence du juge ordinaire dans le dossier de la fiche de parrainage du député Michel Sodjinou suscite une vive polémique au sein du parti Les Démocrates (LD) et dans l’opinion publique.
Les responsables du parti soutiennent que seul la Cour constitutionnelle est habilitée à trancher toute question relative aux parrainages pour l’élection présidentielle.
Mais à l’analyse, cette position, bien que politiquement compréhensible, ne repose pas sur une lecture rigoureuse du droit positif béninois.

1. De la nature du litige : un contentieux de droit commun

Le différend en cause porte sur la détention et la restitution d’un document administratif, en l’occurrence la fiche de parrainage attribuée à un député.
Il ne s’agit pas d’une contestation du processus électoral lui-même, ni d’un contentieux électoral postérieur au scrutin.
Le juge ordinaire, garant des droits civils et politiques des citoyens, est donc compétent pour ordonner des mesures conservatoires ou restitutives lorsqu’un droit personnel ou administratif est en cause.

En clair, avant même que le parrainage ne produise des effets juridiques dans le cadre du processus électoral, il demeure un acte matériel de gestion administrative pouvant être soumis au contrôle du juge de droit commun.

2. La compétence du juge ordinaire avant la phase constitutionnelle

Il est important de distinguer le moment de la saisine du juge.
La Cour constitutionnelle intervient uniquement lorsque le parrainage est intégré dans le processus électoral et que des droits politiques collectifs sont en jeu.
Or, dans le cas présent, la fiche litigieuse n’a pas encore été validée ni transmise à la Commission électorale nationale autonome (CENA).

Ainsi, tant que le différend reste au stade de la détention du document — c’est-à-dire avant son dépôt officiel dans le dossier de candidature — le juge ordinaire demeure compétent pour en connaître, au titre de la protection des droits individuels et de la propriété administrative.

C’est le principe bien connu selon lequel la compétence de la Cour constitutionnelle ne s’étend pas aux litiges de fait ou de possession antérieurs à la phase électorale proprement dite.

3. La compétence du juge ordinaire confirmée par la pratique et la jurisprudence

Dans plusieurs affaires similaires, les juridictions de première instance ont déjà été amenées à trancher des litiges préélectoraux liés à la détention, la restitution ou l’usage de documents administratifs (cartes d’électeurs, listes de parrainage, actes de candidatures).
Ces décisions, loin d’empiéter sur les prérogatives de la Cour constitutionnelle, visent à préserver l’ordre juridique ordinaire et à prévenir toute obstruction à l’exercice des droits des élus.

Autrement dit, le juge ordinaire n’intervient pas dans le processus électoral, mais dans la protection du droit d’un citoyen ou d’un élu à disposer d’un document qui lui appartient légitimement.

4. Une interprétation équilibrée du principe de séparation des pouvoirs

La position du parti Les Démocrates, qui estime que seul le juge constitutionnel peut connaître de toute question touchant aux parrainages, risque d’étendre indûment la compétence de la Cour constitutionnelle.
Une telle extension viderait de sens la compétence naturelle du juge ordinaire, consacrée par la Constitution et les lois de la République.

En réalité, les deux juridictions sont complémentaires :

Le juge ordinaire veille à la protection des droits individuels avant et en dehors du processus électoral.

La Cour constitutionnelle intervient après, pour garantir la régularité du processus et la validité des candidatures.

5. Conclusion : le droit avant la politique

Au-delà du débat partisan, il importe de rappeler que la justice ordinaire n’est pas incompétente par nature en matière électorale, mais seulement lorsqu’un texte explicite la dessaisit.
En l’absence d’une telle exclusion dans le cas de la fiche de parrainage du député Sodjinou, le tribunal de première instance a agi dans le respect de la légalité en ordonnant la restitution du document.

Ce débat révèle surtout un enjeu plus large : la nécessité de renforcer la culture juridique et la confiance dans l’indépendance des institutions judiciaires, à la veille d’une échéance présidentielle décisive pour notre démocratie.

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