À 52 ans, Umaro Sissoco Embaló, ancien général au sourire facile mais au tempérament tranchant, a fini par être rattrapé par son propre style. Depuis son arrivée au pouvoir en 2020, il cultivait une image de président proche du peuple, serrant les mains sans protocole, plaisantant avec les journalistes, parfois même en mandingue ou en créole pour désamorcer les tensions.
Mais derrière cette chaleur apparente, Embaló gouvernait avec une conviction inébranlable : celle d’être seul capable de tenir le pays. Ce mélange de charme et d’autorité a souvent désarçonné ses alliés, puis les a peu à peu éloignés. Les dissensions avec le Parlement, qu’il accusait régulièrement de « freiner la nation », se sont transformées en fractures, jusqu’à provoquer deux dissolutions.
Son rapport à l’armée sa véritable famille politique s’est aussi détérioré. Embaló aimait rappeler qu’il connaissait « chaque unité, chaque caserne », mais ses nominations abruptes, parfois décidées après de simples tensions personnelles, ont froissé plusieurs officiers qu’il croyait pourtant acquis à sa cause. Certains lui reprochaient en privé un ton « trop professoral », comme s’il leur expliquait la discipline plutôt que de la partager.
Sa précipitation à proclamer sa victoire aux élections du 23 novembre a achevé d’isoler un président qui n’écoutait plus grand monde. Ses proches racontent qu’il avait passé la nuit dans une petite salle de réunion du palais, entouré de quelques fidèles, convaincu que « le pays sait déjà qui a gagné ». Une phrase qui circulait encore dans les couloirs lors de son arrestation.
Le 26 novembre, lorsqu’une équipe de militaires est venue le chercher dans son bureau, Embaló s’est montré calme, presque déçu. À un journaliste qui a pu le joindre, il a simplement dit : « Ils n’ont pas été violents. J’ai fait ce que je devais pour ce pays. »
Le pouvoir, lui, avait déjà glissé ailleurs.