Le Niger a annoncé la mise sur le marché international de l’uranium produit par la Somaïr. Près de 1 300 tonnes de concentré sont désormais au centre d’un bras de fer entre Niamey et le géant français Orano. La Chine, l’Iran et d’autres nouveaux partenaires se positionnent déjà
Le régime militaire au pouvoir au Niger a annoncé dimanche soir la mise sur le marché international de l’uranium extrait par la Somaïr, ancienne filiale du groupe français Orano nationalisée en juin dernier. Nouvel épisode de l’escalade entre entre Niamey et Paris.
La Somaïr, longtemps détenue majoritairement par Orano (63,4 %), symbolisait la présence historique du géant français du nucléaire dans le nord du Niger. Depuis le coup d’État de juillet 2023, la junte a engagé un bras de fer ouvert avec l’ex-puissance coloniale, notamment sur le contrôle des richesses minières.
Dimanche soir, la télévision publique Télé Sahel a relayé les propos du général Abdourahamane Tiani, chef de la junte : « Le Niger, digne, met sur le marché international sa propre production. » Il a revendiqué le droit souverain du pays de disposer librement de ses ressources naturelles. Depuis plusieurs mois, Niamey affiche clairement sa volonté d’élargir ses alliances minières.
L’Iran et la Russie ont manifesté leur intérêt pour l’uranium nigérien, Moscou ayant même annoncé en juillet son intention d’exploiter le précieux minerai. Ce repositionnement survient alors qu’Orano a perdu le contrôle opérationnel de ses trois sites : Somaïr, Cominak (fermée depuis 2021) et le gigantesque gisement d’Imouraren, qui recèle environ 200 000 tonnes d’uranium, l’un des plus importants au monde.
Plusieurs procédures d’arbitrage
Depuis la nationalisation de la Somaïr en juin, les contentieux s’intensifient. Orano, détenu à plus de 90 % par l’État français, a lancé plusieurs procédures d’arbitrage international. Fin septembre, l’entreprise avait obtenu une première victoire : un tribunal a ordonné au Niger de ne pas vendre l’uranium extrait par la Somaïr, soit environ 1 300 tonnes de concentré, évaluées à 250 millions d’euros.
Malgré cette décision, Niamey entend poursuivre l’exportation. Des médias ouest-africains, dont LSI Africa et Wamaps, ont affirmé récemment qu’un convoi d’environ 1 000 tonnes d’uranium aurait quitté Arlit pour le port de Lomé via le Burkina Faso. Une information que l’AFP n’a toutefois pas été en mesure de vérifier.
Rupture assumée
Le Niger représente 4,7 % de la production mondiale d’uranium naturel (données ESA 2021). La décision de mettre son uranium en vente directe sur le marché international pourrait rebattre les cartes dans un marché où, l’approvisionnement en combustible nucléaire est devenu un enjeu de souveraineté pour de nombreux États.
Avec cette nouvelle donne , Niamey envoie un signal clair : celui d’une rupture assumée avec l’héritage d’une coopération minière dominée par la France depuis des décennies, et d’une volonté de maîtriser, seul, son destin énergétique et économique.