Marie-Cécile Zinsou vient de confirmer la stature, le rang et la dignité à elle conférés par sa lignée. Une fois de plus elle prouve qu’elle a de qui tenir. Sa lettre publiée au lendemain du coup d’Etat du 7 décembre, démontre qu’elle est une grand dame de la culture. Avec une colère froide et maîtrisée elle rediculise tout l’Aes et ses propagandistes. Kèmi Séba reçoit une leçon d’histoire, de politique et carrément de civilisation. À lire et enseigner dans les écoles d’ici et d’ailleurs.
Lettre à Kemi Seba
Le 7 décembre 2025, vous avez brandi la haine et le désordre. Vous avez flanché face au mur qui vous était opposé. Ce mur porte un nom, c’est la Nation Béninoise; cet ensemble de gens dont vous ignorez tout mais dont vous voudriez vous prévaloir.
Ne nous menacez pas. Ne nous dictez pas nos colères. Ne nous infantilisez pas. Ne nous dîtes pas ce que nous devons penser ou non de notre Président. Ne choisissez pas à notre place. Ne nous donnez pas d’ordre. Ne venez pas semer la misère. Ne venez pas tuer les nôtres !
Nous n’avons jamais manqué une occasion de faire connaître notre point de vue, démocratiquement, dans un modèle qui a peut être des défauts mais que nous avons choisi et que nous respectons.
Cela ne vous convient pas ? Nous l’entendons. Mais qui êtes vous pour venir imposer votre choix de chaos à quatorze millions de béninois ?
Vous vous êtes réjouis dimanche 7 décembre, vous jubiliez, vous avez appelé à une grande mobilisation populaire, vous avez exhorté les gens à sortir et marcher pour la révolution.
Et que s’est il passé ?
Rien.
Personne ne vous a écouté. Vous n’avez que pu constater à quel point votre discours ne portait pas car si les gens vous entendent, ils ne vous écoutent pas. Quand on s’auto-proclame représentant d’un peuple, sans avoir été élu, il faut accepter qu’on ne se représente que soi même.
Alors, bien sûr, vos soutiens virtuels ont relayé votre message sur les réseaux. De Niamey, Washington, Moscou, Bamako ou Ouagadougou, vous avez créé un nuage de contestataires déchainés. Quel est le résultat de ce nuage ? Une bonne pluie lundi.
2026 marque 66 ans d’Indépendance, l’année prochaine nous aurons donc été plus indépendants que colonisés et vous voudriez nous coloniser à nouveau. Vous voudriez que nous nous soumettions à l’AES, vous voudriez nous imposer votre régime où soit disant la richesse est partagée entre tous, où le peuple est heureux et la souveraineté populaire dicte l’action des gouvernements. Beau programme ! Nous sommes peut être les caniches, les plaisantins ou bien encore les abrutis que vos amis et vous décrivez mais nous ne sommes pas aveugles. Nous voyons bien ce qui se passe chez nos voisins depuis que vous avez entrepris de les « libérer » de tous leurs maux.
Nous sommes un pays en développement, personne ne le nie. Nos problèmes sont importants et nous avons des grands défis devant nous. Faire l’inventaire de nos problèmes est très simple, trouver les solutions pour les résoudre est un peu plus compliqué. Notre histoire a été dure, elle nous oblige à surmonter des obstacles très sérieux, et patiemment les différents gouvernements qui se succèdent y travaillent. Cela prend du temps et nous aimerions tous que ça aille plus vite. Vous pouvez voir au quotidien dans l’AES qu’il ne suffit pas d’être armé de bonnes intentions pour que les choses changent comme par magie. Vous même, vous échouez là où vous pensiez apporter la prospérité.
Les béninois sont libres de leur mouvement et s’ils souhaitent rejoindre l’AES rien ne les en empêche. Pourtant, vous pourrez constater comme moi, que notre pays n’a pas connu de grand exode vers les pays frontaliers. Ils auraient pourtant pu suivre votre voie, bénéficier des conditions de vie très confortables dont vous témoignez et que le décor de vos vidéos laisse paraître, lui qui semble ne rien avoir à envier au Sofitel de Cotonou.
Vous vous dîtes l’héritier de Gbèhanzin, certains de vos amis usurpent même son nom, mais vous ne devriez pas prononcer à la légère le nom d’un roi dont vous ne semblez pas avoir compris le combat. Vous pensiez, en deux heures, un dimanche, faire flancher un peuple qui ne se résume pas uniquement à la résistance de Gbèhanzin mais qui descend également des Holli, des Sahoué, des Somba, des Adja, des Houé, des Ouatchi, des Bariba… Vous pensiez, en deux heures, soumettre les béninois ?
Nous avons été des royaumes ennemis, nous sommes désormais une nation unie, issue de cultures qui ont eu en commun la résistance à la colonisation. Nous avons appris de notre histoire et n’accepterons plus ni d’être colonisés ni d’être divisés pour des intérêts que nous n’ignorons pas. Sous couvert de nous rendre notre liberté, seules nos infrastructures portuaires vous intéressent. Choisissez une autre route pour exporter votre uranium. Mais vous ne prendrez pas en otage quatorze millions de béninois pour le confort de votre désenclavement. Le colon avait lui aussi un discours bienveillant pour nous soumettre, il nous apportait ses lumières, vous nous apportez la liberté. Mais ces beaux discours, dans les deux cas, cachent mal, les intérêts économiques, qui, seuls, guident vos actions.
Rentrez chez vous, d’où que vous veniez et laissez nous tranquille.
Laissez nous pleurer nos morts. Vos victimes. Les martyrs gratuits de votre irresponsabilité.
Marie-Cécile Zinsou