Le gouvernement sénégalais écarte toute restructuration de la dette publique, malgré les discussions engagées avec le Fonds monétaire international (FMI). Alors que l’institution financière appelle Dakar à corriger sa « vulnérabilité importante » en matière d’endettement, le Premier ministre Ousmane Sonko a dénoncé les pressions du Fonds, provoquant une réaction immédiate sur les marchés.
Le FMI a confirmé mardi avoir eu des discussions avec les autorités sénégalaises à propos de la dette du pays, précisant que ces entretiens entraient dans le cadre de son rôle de conseil économique. « Le choix et la nature spécifique des opérations de dette, ainsi que la décision de restructurer ou non les obligations de dette, restent une décision souveraine », a rappelé un porte-parole du Fonds à Reuters.
Mais les propos du Premier ministre, tenus le week-end dernier, ont donné une dimension politique à ces échanges techniques.Lors d’une déclaration publique, Ousmane Sonko a affirmé que le FMI “pousse le Sénégal à restructurer sa dette”, une démarche que son gouvernement “ne saurait accepter”.
« Nous ne laisserons personne dicter notre politique économique, encore moins sur une question aussi sensible que la dette publique », a-t-il déclaré, estimant que le Sénégal doit préserver sa souveraineté financière et financer son développement principalement par ses propres ressources.
Les marchés sanctionnent Dakar
Les marchés ont aussitôt réagi à cette prise de position. Les obligations internationales du Sénégal ont poursuivi leur recul mardi, atteignant leurs plus bas niveaux depuis juillet :l’obligation 2031 a perdu 0,7 centime face au dollar pour s’établir à 71,77 centimes. L’obligation 2028 libellée en euros a reculé de 0,65 centime, à 79, selon les données de Tradeweb. Cette baisse traduit la méfiance persistante des investisseurs, déjà échaudés par la révélation de dettes cachées estimées à plus de 11 milliards de dollars, découverte après l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement.
Un programme du FMI toujours suspendu
Le FMI avait gelé l’an dernier un programme d’aide de 1,8 milliard de dollars, après la découverte de ces dettes non déclarées par l’administration précédente.
Pour obtenir à nouveau son soutien, le Sénégal devra présenter une stratégie claire garantissant la soutenabilité de sa dette et la stabilité de ses finances publiques.
En août, Ousmane Sonko avait dévoilé un plan de relance économique prévoyant que 90 % des investissements soient financés par des ressources nationales, sans recours à de nouveaux emprunts extérieurs. Mais la marge de manœuvre reste étroite : selon le cabinet Tellimer, la dette du Sénégal atteint désormais 132 % du PIB, un niveau inquiétant pour les analystes.
« Le refus d’une restructuration limite fortement les options du Sénégal », estime Stuart Culverhouse, économiste chez Tellimer. En s’opposant ouvertement au FMI, Ousmane Sonko cherche à affirmer l’indépendance du Sénégal sur la scène économique internationale.
Mais cette stratégie comporte des risques : sans programme de financement du Fonds et avec des marchés échaudés, le gouvernement devra redoubler d’efforts pour financer son budget et maintenir la confiance des partenaires.