Le nord-est du Nigeria est à nouveau frappé par une violente recrudescence des attaques jihadistes, avec plus de cent morts en avril. Face à la montée en puissance de Boko Haram et de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), le pays, déjà fragilisé par des années de conflit, peine à défendre ses frontières. Tandis que les groupes armés exploitent les failles sécuritaires et les tensions régionales, l’armée nigériane et ses partenaires internationaux se retrouvent dépassés, laissant les populations civiles de plus en plus vulnérables.
Le nord-est du Nigeria, épicentre d’un conflit vieux de quinze ans, replonge dans la violence. En avril 2025, plus d’une centaine de personnes ont été tuées dans des attaques menées par Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap). Cette nouvelle vague de violence révèle la fragilité des défenses nigérianes et l’enracinement des groupes jihadistes dans une région où l’autorité de l’État s’efface. »Ce n’est plus un simple conflit localisé », avertit Kabir Adamu, directeur du cabinet de sécurité Beacon Consulting.
« C’est une dynamique régionale qui s’étend jusqu’au cœur du Nigeria. »Boko Haram, créé en 2002 à Maiduguri, continue ses actions dans les zones rurales de l’État de Borno, multipliant les enlèvements, les pillages et les attaques contre les civils. « Malgré les opérations militaires, leur capacité de nuisance reste intacte dans des zones mal contrôlées », souligne Idriss Mounir Lallali, directeur du Centre africain d’étude et de recherche sur le terrorisme (ACSRT).Issu d’une scission de Boko Haram en 2016, Iswap se distingue par une organisation plus structurée et des attaques ciblées contre les forces de sécurité.
« Ils ont une approche quasi-administrative dans certaines zones, et cherchent à instaurer leur légitimité auprès des populations », explique Confidence McHarry, analyste chez SBM Intelligence à Lagos.Au-delà du Borno, la menace jihadiste s’étend. Dans les États du nord-ouest comme Zamfara, Kaduna ou Sokoto, de nouveaux groupes armés émergent, mêlant criminalité organisée et violence idéologique. « Ce ne sont pas toujours des jihadistes au sens strict », nuance Adamu, « mais ils reprennent leurs méthodes : attaques éclairs, enlèvements, taxation illégale. »
Un contexte régional détérioré
La dégradation sécuritaire ne concerne pas que le Nigeria. Le bassin du lac Tchad, partagé avec le Cameroun, le Niger et le Tchad, reste un corridor stratégique pour les groupes armés. Or, la Force multinationale mixte (FMM), qui coordonnait les efforts régionaux, est fragilisée. « Le retrait du Niger en mars, et les menaces de retrait du Tchad, ont affaibli la coopération », déplore Lallali. « Les patrouilles sont perturbées, les renseignements moins partagés. »Entre janvier et mars 2025, l’État islamique a lancé un appel à ses affiliés dans le monde pour intensifier leurs offensives. « Cet appel a été pris au sérieux par Iswap », confirme Adamu. « Ils ont planifié une série d’opérations coordonnées dans le nord-est. »
Le retour à la saison sèche a également facilité les mouvements. « Les conditions climatiques favorables et l’allègement de la pression militaire leur ont offert une marge de manœuvre inédite », souligne Lallali.Fin avril, le président a nommé le général Abdulsalam Abubakar à la tête des opérations antiterroristes. Une décision saluée, mais jugée tardive par plusieurs observateurs. « Le problème, ce n’est pas juste le commandement, c’est la stratégie globale », conclut Adamu. « Le Nigeria ne gagnera pas cette guerre uniquement avec des fusils. »
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