Il n’a pas crié avec les loups. Il a préféré prendre du recul. Dans le tumulte provoqué par les déclarations du député Michel Sodjinou contre son parti Les Démocrates, Gaston Zossou a choisi la distance et la réflexion. Et son constat est sans appel : le mal est ancien. « J’ai lu le député Sodjinou avec attention et intérêt, confie-t-il.
Mais les causes de ce qu’il dénonce ne sont pas à chercher dans le parti. Elles viennent de bien plus loin, de la gouvernance nationale depuis 2006. »Depuis près de vingt ans, selon l’ancien ministre, le discours politique béninois s’est peu à peu gangrené. Les clivages régionaux, les mots qui blessent, les sous-entendus identitaires : tout cela ne daterait pas d’hier. Il rappelle, avec gravité, quelques phrases qui ont marqué une époque.
Des propos d’un ancien chef d’État, devenu aujourd’hui chef de file des Démocrates, parlant de « faire venir les siens du Bénin profond ».
Ou encore ce souvenir amer, au moment de la disparition de Pierre Urbain Dangnivo, lorsqu’une haute personnalité aurait lâché : « C’est un Adja qui a tué un Adja. »
‘Une banalisation du régionalisme politique, un poison lent’
Ces paroles, selon lui, ont ouvert la voie à une banalisation du régionalisme politique, un poison lent qui s’est infiltré dans les veines de la République. Zossou n’accable pas Sodjinou. Il s’interroge plutôt sur la mémoire sélective de ceux qui découvrent aujourd’hui un mal dont ils furent longtemps témoins « Pourquoi feindre la surprise ? » lance-t-il, presque amer.Son regard porte plus loin que la querelle interne des Démocrates.
Ce qu’il dénonce, c’est la dégradation morale du débat public, cette habitude de franchir toutes les lignes rouges sans conséquence « Depuis 2006, les valeurs publiques s’effritent. On peut tout dire, tout faire, sans qu’il n’y ait de réaction sérieuse », soupire-t-il.Et Zossou de conclure, avec une pointe d’ironie : « Ceux qui s’indignent aujourd’hui découvrent tardivement un phénomène dont ils ont longtemps été les témoins silencieux. »