Le 28 février 2025, Abou Sangaré a marqué l’histoire des Césars en décrochant le prix de Meilleure révélation masculine pour son rôle dans le film L’Histoire de Souleymane, réalisé par Boris Lojkine. Cette victoire est le couronnement d’un parcours exceptionnel, marqué par des épreuves personnelles et une ascension fulgurante dans le monde du cinéma, mais aussi par des obstacles administratifs qui l’ont longtemps empêché de vivre pleinement en France.
Abou Sangaré est né en 2001 à Sinko, en Guinée. Dès son adolescence, il fuit son pays natal pour venir en aide à sa mère malade. À 16 ans, il traverse plusieurs pays d’Afrique, dont le Mali, l’Algérie et la Libye, avant de tenter la traversée de la Méditerranée et de rejoindre l’Italie. Ce périple dangereux aurait pu lui coûter la vie. Une fois arrivé en France, il s’installe à Amiens, après avoir été conseillé de quitter Paris.
Son statut de mineur non accompagné lui permet de commencer des études et d’obtenir un bac professionnel en mécanique. Cependant, la situation de sans-papiers persiste. À 18 ans, Abou Sangaré voit ses demandes de régularisation rejetées à trois reprises, et il fait face à une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Un avenir incertain, entre espoir et désillusion, mais il continue de travailler comme mécanicien et d’espérer un jour obtenir un titre de séjour.
Tout bascule pour lui en 2023 lorsqu’il est repéré pour un casting sauvage à Amiens pour L’Histoire de Souleymane, un film qui raconte l’histoire d’un jeune guinéen sans-papiers vivant à Paris et travaillant comme livreur à vélo. Abou, qui n’avait jamais envisagé une carrière d’acteur, se retrouve à jouer le rôle principal.
Un an plus tard, à deux mois du Festival de Cannes, où le film est sélectionné, il est de nouveau ciblé par une OQTF. La production, consciente de sa situation, s’empresse d’engager une avocate pour régler sa situation administrative. Peu après le succès du film à Cannes, où il remporte le prix d’interprétation masculine dans la section Un Certain regard, la préfecture de la Somme réexamine sa demande et lui accorde finalement un titre de séjour d’un an en raison de son intégration et de son travail.
Une reconnaissance qui dépasse le cinéma
Lors de la cérémonie, Abou Sangaré a exprimé son émotion et sa gratitude, en évoquant le lourd fardeau de sa vie avant de recevoir son titre de séjour. « Je n’avais presque plus de vie, je vivais parmi les hommes comme ça. Je ne me considérais plus comme un être humain », a-t-il déclaré, rappelant les épreuves qu’il a traversées depuis sa fuite de Guinée jusqu’à sa régularisation en France. Sa reconnaissance à travers ce prix est d’autant plus symbolique qu’elle survient dans un contexte politique tendu, marqué par le discours du Premier ministre François Bayrou sur la « submersion migratoire ».
Plusieurs élus ont salué la consécration d’Abou Sangaré comme une réponse à ceux qui stigmatisent les migrants. « Voilà ceux que Bayrou insulte lorsqu’il parle de submersion migratoire », a réagi le sénateur communiste Ian Brossat. La députée LFI Zahia Hamdane a également exprimé son soutien, soulignant que des centaines d’autres sont encore rejetés, invisibles dans la société.Lors de la cérémonie, Abou Sangaré a rendu hommage à son équipe de film, expliquant que L’Histoire de Souleymane lui avait « sauvé la vie ».
Il a remercié le cinéma pour l’opportunité qu’il lui a offerte, soulignant que son rôle et sa reconnaissance ont joué un rôle majeur dans son intégration dans la société française. « Merci pour mon intégration au sein de l’humanité », a-t-il conclu avec émotion.
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